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Aux Rencontres d’Arles, les photographies s’exposent en séries

Astrid Ullens de Schooten Whettnall, octogénaire aristocrate et atypique, a commencé à collectionner de la photographie à 74 ans, après son divorce. Et elle l’a fait avec une idée bien précise. Dans sa collection constituée ces vingt dernières années, très peu d’images isolées, pas de chefs-d’œuvre épars pour épater la galerie, mais des séries, de grands ensembles d’images, car, selon elle, « on ne peut rien comprendre avec une ou deux photos ». Fidèle à certains auteurs, elle a parfois acheté, année après année, à un même artiste plus d’une centaine de photographies. Ce qui rend la présentation de sa collection à La Mécanique générale, dans le cadre des Rencontres d’Arles, passionnante plutôt qu’indigeste, alors qu’elle aligne sur les murs le nombre impressionnant de 648 photographies (ce qui représente à peine 15 % du total).
Car c’est en faisant masse que cette exposition fait sens. Le commissaire, Urs Stahel, ancien directeur du Fotomuseum de Winterthur, en Suisse, a mis en valeur la ligne la plus forte de la collection, sous le titre « Quand les images apprennent à parler » : des œuvres qui ont tenté de classer le monde et de lui donner un sens par la répétition, la typologie, l’inventaire – ce qu’il appelle le « documentaire conceptuel ».
On ne trouvera là aucune image intimiste, pas d’interprétation subjective du monde, ni même de simple accumulation aléatoire : dans ces images souvent en petit format et en noir et blanc, réunies autour d’un principe semblable, il s’agit bien de trouver des moyens de décryptage et d’analyse. « A partir des années 1960-1970, époque marquée par le structuralisme, l’analyse sémiotique et linguistique, dit Urs Stahel, les photographes et les artistes ont abandonné l’image isolée pour construire un récit avec des phrases entières. »
En guise d’introduction, il a placé deux auteurs qui ont travaillé en série, avant l’heure : à la fin des années 1940, Harry Callahan (1912-1999) et Walker Evans (1903-1975) ont tous deux photographié des anonymes sans qu’ils s’en doutent, observés depuis le même point de vue, avec le même cadrage – des photos intenses de femmes absorbées dans leurs pensées à Chicago pour le premier, des tirages-contacts de travailleurs en route pour l’usine à Detroit (« Labor Anonymous ») pour le second. Deux travaux qui figurent moins des individus que l’idée même de foule, d’anonymat, de masse, de classe sociale.
Sur des murs hauts et rehaussés de couleurs vives, les images sont regroupées en grappes, en nuages, en damiers, le plus souvent en alignements stricts – avec parfois une qui s’échappe du lot, pour signifier que la série n’est pas close. Le commissaire a ainsi laissé les photographies respirer, réservant parfois une cimaise entière à un seul projet, sans noyer le spectateur sous les textes – ceux-ci sont disponibles sous la forme de QR codes à flasher. On croise des ensembles remarquables, surtout d’auteurs américains, et des classiques rarement vus au même endroit.
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